vendredi 4 mars 2016

8 février - 18 février 2016 - Mission de prospection le long du tracé de la Grande Muraille Verte

Le 8 février 2016, une équipe de six chercheurs (géographe, hydrogéomorphologue, biologiste et écologiste végétal, ethnobotaniste, et sociologue) et deux chauffeurs a quitté l’UCAD (Université Cheikh Anta Diop  de Dakar) pour découvrir la diversité des paysages, ou systèmes socio- écologiques (SES) qui se trouvent le long de la « ligne verte » mythique figurant dans tous les documents officiels de la Grande Muraille Verte (GMV). Au Sénégal,  la GMV est longue de 545 km de long, et s'étend de Potou à l’ouest à Bellé à l’est. 

Tracé de la Grande Muraille Verte mis en évidence par les photographies de la mission de février 2016 géolocalisées sur Google Earth


Partis, entre autres, avec 300 litres d’eau, 20 kg d’oignons et 300 dosettes de café soluble, nous nous sommes embarqués dans une aventure inoubliable de 9 jours, aussi riche scientifiquement qu’humainement. La carte ci-dessous montre l’itinéraire suivi sur le tracé de la GMV. 

illustration (en cours de réalisation)


Pendant neuf jours, les deux véhicules n’ont quasiment emprunté que des pistes, la navigation étant confiée aux bons soins d’un récepteur GPS et de ses satellites, ce qui a donné naissance à une phrase désormais célèbre chez les membres de l’équipe quand quelque inquiétude semblait poindre sur la route à suivre : 
  • "le GPS, il est content ?" 
  • "Oui, le GPS, il est content".
Au cours de ce périple en brousse, nous avons logé dans les bases des Eaux et Forêts sénégalaises, mais aussi dormi dans des campements Peuhl, bénéficiant de l’hospitalité des habitants.

Services écosystémiques de la zone côtière occidentale
Les objectifs scientifiques ont été extrêmement divers, et en lien direct avec les différents WorkPackages du programme « Future Sahel » (WP) :

WP1 : Nous familiariser avec la diversité des paysages traversés sur le tracé de la GMV. 
Pour ce faire, chaque chercheur observait les paysages parcourus sous l’angle de sa spécialité scientifique (végétation, eau, géomorphologie, habitation et habitants…). Les informations recueillies lors de ce déplacement ont ensuite été discutées et placées collectivement sur un support visuel : une carte dessinée à main levée et réunissant les différentes informations collectées.
 
Séance de mise en commun et de synthèse cartographique des observations, en fin de journée au point d'hébergement..
Cartes dessinées pendant le voyage synthétisant les différentes observations et informations collectées sur les sites d'étude : gauche, zone côtière de Potou et bassin arachidier ; droite, début de la zone sylvopastorale à l'est du lac de Guiers.
Cette traversée Ouest-Est fut aussi l’occasion de prendre plusieurs centaines de photos géo-référencées pour reconstruire les cartes des paysages a posteriori.

Services écosystémiques de la zone sylvo-pastorale (de gauche à droite et de bas en haut) : savane arborée à dattier du désert proche de Koly-Alpha ; steppe arborée près de Tessékéré ; jardin polyvalent de Koly Alpha mis en place par l'ANGV ; forage exploitant la nappe profonde à Labgar.
WP2 : Choix du site pour la parcelle biodiversité
Un des objectifs majeur de notre mission exploratoire a été de choisir le futur site d’implantation d’une seconde parcelle expérimentale, après celle fonctionnant depuis 2013 à Widou-Thiengoly, afin de tester des espèces indigènes en reforestation. Le bourg de Ranerou a été choisi comme point d’ancrage de cette seconde parcelle expérimentale par rapport à des intérêts scientifiques (site éco-géographiquement différent de celui de Widou), stratégiques (l’Agence Nationale de la GMV a des prévisions imminentes de reforestation dans cette zone), et sociaux (les acteurs locaux – élus locaux, agents des Eaux et Forêts, et populations locales ont montré un fort intérêt pour héberger la parcelle et les études qui vont y être associées). Sur le plan logistique, les jeunes plants seront préparés dans la pépinière des Eaux et Forêts de Ranerou où des compétences techniques sont disponibles sur place et où l’accès à l’eau n’est pas conflictuel.

Rencontres avec les populations, les acteurs et élus locaux et entretiens informels en divers point du tracé de la GMV sénégalaise. 
Les espèces d’arbres à tester sont les suivantes : Acacia nilotica var. nilotica, Acacia raddiana, Acacia senegal, Acacia seyal, Adansonia digitata, Balanites aegyptiaca, Combretum glutinosum, Dalbergia melanoxylon, Faidherbia albida, Guiera senegalensis, Tamarindus indica, Ziziphus mauritiana. Au moment de leur transplantation dans la parcelle expérimentale, les jeunes arbres auront 1 ½ mois et 2 ½ mois lors de leur transplantation de la pépinière à la parcelle. L’expérimentation testera également l’adjonction au moment de la transplantation d’un rétenteur d’eau, Pluie Solide®, fourni gracieusement par la société ANET International Group®. Ce rétenteur d’eau, biodégradable au terme de 5 ans, est capable de retenir jusqu’à 300 fois son poids en eau, notre objectif étant d’accroître la durée de la saison au cours de laquelle la plantule a accès à l’eau et ainsi d’accroître significativement les taux de survie des espèces.


WP3 : Choix de sites pour conduire les études sur le dattier du désert
Le fait de parcourir d’Ouest en Est la GMV dans sa totalité nous a permis de collecter les données nécessaires pour l’établissement d’une carte de la distribution géographique de Balanites aegyptiaca, le dattier du désert. Même si l’espèce est assez ubiquiste le long du tracé de la GMV sénégalaise, notre périple fut néanmoins l’occasion d’identifier des « hotspots » où l’espèce domine le paysage et où le commerce des fruits par les populations locales est déjà engagé de manière informelle. Ces sites seront privilégiés pour le déroulement de nos futures activités de recherche.  Trois sites sont d’ores et déjà programmés pour accueillir de futures recherches sur la phénologie, la dendrométrie et la diversité génétique de l’espèce, la production de fruits et leur qualité nutritionnelle. Les trois sites retenus, respectivement d’Ouest en Est, sont Koly Alpha, Labgar et Ranerou.  

WP4 : Au contact du terrain, enrichir la réflexion de l’équipe sur l’applicabilité du concept de résilience socio-environnementale
Afin de préparer le terrain, un sociologue et une géographe humain ont conduit des entretiens à chaque point d’arrêt. Il s’est agi d’avoir un premier regard sur la diversité et l’organisation des services écosystémiques des zones traversées, d’identifier les principaux projets de développement passés, leur succès ou échec, et de questionner leurs interlocuteurs sur les visions pour un Sahel futur. Nous avons aussi établi une liste constituée de personnes ressources rencontrées en chaque lieu : décideurs politiques et publiques, agents des eaux et forêts,  représentants des ONGs nationales et étrangères, responsables de collectivités pastorales et agricoles, villageois hommes et femmes…

Cette première mission de Future Sahel a été vécue par tous les membres de l'équipe comme une très belle expérience, caractérisée par des moments de fort partage et d’échanges intra-équipe, mais également entre les chercheurs et acteurs locaux.