mardi 9 janvier 2018

Lancement des premiers ateliers « Wayfinder » : Vers une amélioration collective de la résilience des systèmes socio-écologiques du Ferlo Sénégalais

Les 7 Piliers de l'amélioration de la résilience (Biggs et al 2014)



 Future Sahel et Wayfinder

Si le concept de résilience est aujourd’hui omniprésent dans le monde de la recherche et celui du développement, nombreux sont ceux qui en regrette le manque d’opérationnalité. La revue (re)think a récemment publié un article sur Wayfinder (ici), le dernier né des guides de resilience assessment développé au sein du programme GRAID1 et dont « Future Sahel » a la charge de conduire la première étude pilote. Wayfinder vise à accompagner l’amélioration concrète de la résilience des systèmes socioécologiques à travers des processus participatif itératif. En nous focalisant sur la Grande Muraille Verte (GMV) au Sénégal, nous nous sommes fixé comme objectif d’utiliser Wayfinder pour repenser collectivement la gestion et l’aménagement des systèmes socioécologiques du Ferlo, et faire de la GMV un vecteur d’amélioration de la résilience le long de son tracé. Lancée en Juillet 2017, cette étude pilote a d’abord connue une phase de préparation/fondation durant laquelle les membres de Future Sahel ont (1) décidé de commencer par un premier site dans le département de Ranérou, (2) centralisé les informations existantes quant aux dynamiques socioécologiques du Ferlo, (3) préparé l’ensemble des protocoles de terrain et (4) commencé à former deux comités de pilotages impliquant chercheurs et acteurs de la gouvernance locale (comité local à Ranérou), chercheurs et acteurs de la gouvernance Nationale (comité de réflexion à Dakar). 
 

Les comités. Le projet se structure autour d'un site d’implémentation (Département de Ranérou), et de deux comités. Le comité local est composé d'acteurs de la gouvernance locale, il facilite la conduite des phases de terrain et participe à l'analyse des résultats. Le groupe de réflexion est composé d'acteurs nationaux et co-pilote le projet. 

 Oui mais sur le terrain, comment ça marche ?

 
Entre le 12 et le 22 Novembre, une équipe composée d’Arthur Perrotton, Abdou Ka, Amadou Diallo et Deborah Goffner ont initié la deuxième phase du projet (« définition du système ») en organisant un premier cycle d’ateliers dans le département de Ranérou. avec l’objectif suivant : comprendre les aspirations et les contraintes des différents acteurs locaux, et comprendre comment ils se représentent le système socioécologique dans lequel ils vivent.
Ces ateliers ont étés pensés pour prendre en compte la complexité des rapports sociaux au sein du système dans lequel il intervient, et principalement le problème des rapports de force et des asymétries de pouvoir (Barnaud et al 2017). Avant de réunir l’ensemble des acteurs locaux dans des ateliers collectifs, nous avons donc décidé de commencer par créer des espaces de libre parole pour tous en approchant les acteurs par « groupes stratégiques » (O. de Sardan 1995). Ces groupes sont des agrégats sociaux, à géométrie variable, qui défendent des intérêts communs, en particulier par le biais de l'action sociale et politique. Dans notre cas, nous avons identifié les groupes stratégiques suivants en tentant de les faire homogènes quant à leur rapport à l’environnement et à leur pouvoir de décision concernant la gestion de l’environnement :

1. Acteurs locaux de la gouvernance
2. Acteurs institutionnels (non gouvernance)
3. « Exploitants » de la nature
4. Pasteurs Peuls
5. Groupements de femmes
6. Commerçants (Atelier prévu en Janvier)
7. Jeunesse (Atelier prévu en Janvier)

L’ensemble des ateliers ont été tenus en Pulaar (la langue majoritaire dans la région) et en Français, grâce à une co-facilitation par Abdou Ka (Sociologue à l’Université Cheikh Anta Diop), dont le Pulaar est la langue maternelle, et Arthur Perrotton (Modelisateur, CNRS). Au cours des ateliers, nous avons favorisé les discussion collectives et afin de pouvoir représenter l’ensemble des éléments abordés et énoncés par les participants au fur et à mesure et avoir un dialogue itératif et dynamique, et choisi d’utiliser un tableau blanc, des images pré-imprimées...et nos talents d’artistes ! 

Dans chaque atelier, les participants ont été amenés à donner leur définition du bien-être et d’un futur désirable, puis à lister les contraintes à prendre en compte et auxquelles il nous faudra collectivement répondre au cours des mois à venir. Dans un troisième temps, nous leur avons demandé de formaliser, sous forme d’un modèle conceptuel du système tel qu’ils le perçoivent, c’est à dire d’une version schématisée de la zone et de son fonctionnement. Ces modèles sont alors une articulation des acteurs, de leurs pratiques, et des ressources naturelles qu’ils utilisent.  


Et les résultat ?





Cinq des sept groupes ont étés consultés pendant cette mission. Nous disposons donc de 5 listes d’aspirations, 5 listes de contraintes et 5 modèles conceptuels. 
Comme les photos ci-dessous le montrent, certaines des aspirations sont redondantes entre les différents groupes identifiés (la santé, la nécessité de repenser un système scolaire mieux adapté au mode de vie pastoral), d'autres sont plus spécifiques (le besoin d'un lieu de partage pour les groupements de femmes).


Aspirations des Pasteurs Peuls

Contraintes des Pasteurs Peuls

Aspirations des Groupements de femmes
Contraintes des Groupements de femmes
Modèle conceptuel des Exploitants de la nature (récolteurs de gomme arabique, récolteurs de fruits...)

Les contraintes  sont parfois des éléments isolés, mais le plus souvent elles sont multifactorielles et s'articulent les unes avec les autres. Ainsi pour les pasteurs peuls, les problèmes de santé des troupeaux découlent du manque de vétérinaires, de la dispersion des villages qui rend l'accès aux services et  produits vétérinaires difficiles, et au coût élevé de ces derniers qui les poussent à s’approvisionner en Mauritanie malgré une qualité (supposée) moins bonne.
Les modèles conceptuels sont des représentations graphiques de la manière dont l'interlocuteur considéré (ou le groupe) se représente le fonctionnement du système socio-écologique dans lequel il vit. On y retrouve alors des éléments "humains" et "non-humains", des éléments "naturels" et "institutionnels", et surtout les liens entre ces différents éléments. L'illustration ci dessus montre le modèle conceptuel proposé par le groupe des "Exploitants de la nature".  L’intérêt de cet exercice est de matérialiser l'aspect systémique des interactions entre les hommes et leur milieu.
Une deuxième mission aura lieu en Janvier 2018 durant laquelle nous répéterons l’exercice avec les deux groupes stratégiques manquants. L’ensemble des résultats des 7 ateliers seront alors analysés afin de mettre en lumière les éléments partagés par les différents groupes, les éléments spécifiques et potentiellement les éléments de discorde. Ces résultats seront discutés lors d’ateliers multi acteurs en Février-Mars 2018.


 

1 « Guider pour la résilience dans l’anthropocène : investissement pour le développement » est un projet mondial basé au Resilience Centre de Stockholm et met en réseau les experts mondiaux afin d’améliorer et de diffuser l’utilisation du concept de résilience dans les sphères du développement. http://www.stockholmresilience.org/policy--practice/graid.html